Un Layer 3 désigne une surcouche logicielle s’appuyant sur les solutions de scalabilité de la couche Layer 2, dans le but de les optimiser davantage ou d’offrir des services orientés métier au travers de la couche L3. Cette couche logicielle supplémentaire qui vise à améliorer deux caractéristiques essentielles : la scalabilité, c’est-à-dire la capacité à traiter un grand nombre de transactions par seconde, ainsi que l’interopérabilité entre différentes blockchains.
Pour bien saisir l’intérêt des Layers 3, il est utile de rappeler le « trilemme de la blockchain ». Ce concept met en évidence les 3 défis fondamentaux auxquels font face les blockchains : assurer la sécurité, garantir un haut degré de décentralisation, et offrir une bonne scalabilité (nombre de transactions par seconde). La plupart des blockchains peinent à optimiser ces 3 paramètres simultanément.
Comme vous le savez, le layer 0 constitue l’infrastructure matérielle permettant le fonctionnement des blockchains : réseaux de communication, serveurs et matériel de stockage. Un layer 1 désigne la blockchain elle-même, il s’agit de la couche qui définit les règles de consensus, la structure des données et la validation des transactions. Les Layers 1 comme Bitcoin ou Ehtereum sont communément appelées des blockchain “souveraines” capables de fonctionner de manière autonome.
Les solutions de Layer 2 (canaux de paiement, optimistic rollups et les ZK-rollup) permettent déjà d’améliorer sensiblement la scalabilité des blockchains de Layer 1 comme nous avons pu l’expliquer dans un précédent article.
Les Layers 3 viennent en complément, en se focalisant généralement sur des cas d’usage extrêmement spécifiques. Ils héritent des couches inférieures, et apportent une scalabilité et une interopérabilité accrues en utilisant les mêmes solutions de mise à l’échelle.
Certaines études envisagent deux niveaux supplémentaires : le Layer 4 consiste en une couche applicative composée d’interfaces utilisateur facilitant l’accès aux protocoles sous-jacents. Tandis que le Layer 5 agrège les services de multiples applications au sein de plateformes unifiées, fournissant des comparateurs, combinant des actions complexes, et synthétisant les informations pour une meilleure expérience utilisateur….
Objectifs et fonctionnement d’un Layer 3
Les Layers 3 ont deux ambitions principales : augmenter drastiquement la scalabilité des transactions, et améliorer l’interopérabilité entre différentes blockchains.
En termes de scalabilité, l’approche des Layers 3 est radicalement différente des Layers 2. Alors qu’un Layer 2 vise une optimisation de la scalabilité à usage général sur une blockchain donnée, un Layer 3 se concentre sur un cas d’usage extrêmement spécifique.
Cette hyperspécialisation leur permet d’atteindre une scalabilité inégalée pour des applications de niche. Par exemple, un Layer 3 dédié aux paiements pourra multiplier par 100 ou 1000 les transactions par seconde par rapport à la blockchain mère. On parle alors de “scalabilité fractale”.
Autre atout, certaines solutions de Layer 3 permettent la mise en place de transactions anonymes. Un aspect critique pour certains usages comme les paiements privés.
Du fait de leur architecture technique en surcouche, les Layers 3 bénéficient de frais de transaction nettement réduits par rapport à un Layer 1. Des micro-paiements quasiment gratuits deviennent envisageables.
Concernant l’interopérabilité, les Layers 3 facilitent les échanges d’informations et les transactions entre différents protocoles blockchains. Ils fonctionnent comme des “ponts” permettant à un token de passer facilement d’une blockchain à une autre.
Techniquement, un Layer 3 prend la forme d’une surcouche logicielle s’appuyant sur un Layer 2 déjà existant. Il hérite ainsi de la sécurité démontrée du Layer 2 sous-jacent.
On qualifie souvent les Layers 3 de “blockchains à applications spécifiques” du fait de leur focalisation sur un cas d’usage précis et leur capacité à permettre beaucoup plus de personnalisation. Leur polyvalence autorise le développement sur-mesure de dApps plus efficaces, améliorant ainsi l’expérience utilisateur.
Quelques exemples de Layers 3
Plusieurs projets explorent actuellement le potentiel des solutions de Layer 3 dans différents cas d’usage liés aux crypto-actifs :
- Côté scalabilité, le protocole Orbs se concentre sur l’augmentation du débit transactionnel de la blockchain Ethereum. Il fournit une plateforme technique pour le déploiement d’applications décentralisées (dApps) ainsi optimisées.
- Du côté des blockchains spécialisées, Arbitrum Orbit permet aux développeurs de créer leur propre chaîne avec des capacités accrues de personnalisation. Ces micro-chaînes tirent parti des avantages de scalabilité du Layer 2 Arbitrum.
- Les zkSync Hyperchains quant à elles allient la rapidité des Layers 2 pour le règlement transactionnel à la confidentialité apportée par les preuves à divulgation nulle (ZKP).
- L’entreprise Starkware fait figure de pionnière dans son exploration des cas d’usage potentiels du Layer 3. Son Layer 2 StarkNet, qui repose sur la technologie ZK-Rollup, a vocation à servir de base à plusieurs blockchains dédiées ciblant des fonctionnalités comme l’anonymat ou la sécurité renforcée.
Pourquoi les Layers 3 ne sont pas encore la solution parfaite ?
Les innovations apportées par les solutions de Layer 3 laissent entrevoir des perspectives passionnantes pour l’avenir des blockchains et des crypto-actifs. Leur capacité à adresser les problèmes de scalabilité et d’interopérabilité ouvre la voie à une adoption généralisée de ces technologies.
Certains observateurs évoquent même le concept alléchant d’”Internet des blockchains” : un monde totalement interconnecté où les échanges de valeur circuleraient librement sans friction entre des centaines de chaînes dédiées. La promesse d’une scalabilité infinie grâce à une spécialisation des protocoles blockchain.
Cependant, en introduisant des protocoles additionnels, les Layers 3 prennent le risque de recréer des points de centralisation. Ce qui irait à l’encontre de l’esprit décentralisé des blockchains publiques. Par ailleurs, les Layers 3 dépendent étroitement des Layers 1 et Layers 2 sur lesquels ils s’appuient. Toute défaillance ou vulnérabilité au niveau inférieur impactera l’intégrité de l’ensemble de l’édifice.
On note également l’absence d’un cadre standardisé pour le développement et le déploiement des solutions de Layer 3. Cette absence de standards communs complexifie la tâche des développeurs et ralentit l’innovation.
Enfin, la technologie des Layers 3 en est encore à un stade initial avec beaucoup d’incertitudes. Les premiers protocoles opérationnels comme StarkNet sont loin d’avoir fait leurs preuves à grande échelle. Et les problématiques de passage à l’échelle des Layers 3 sont encore mal appréhendées…