Le Proof of Stake, ou Preuve d’Enjeu en français, est une méthode par laquelle un réseau de blockchain parvient à un consensus sur la validation de nouvelles transactions. Si le Proof of Work (PoW) a longtemps été la méthode dominante pour valider les transactions, les préoccupations environnementales et les défis liés à l’évolutivité ont conduit à l’émergence du PoS. Zoom sur ce système de consensus, mais avant, voici les éléments importants à retenir :
- Le Proof of Stake (PoS) est un mécanisme de consensus blockchain qui repose sur la quantité de cryptomonnaie qu’un individu possède et immobilise.
- Il est moins énergivore, offre une scalabilité accrue et une certaine résistance aux attaques, tout en réduisant les coûts d’utilisation de la blockchain.
- Malgré ses avantages, le PoS peux être critiqué à cause des risques de centralisation et des barrières à l’entrée pour les nouveaux utilisateurs. Des évolutions comme le Delegated Proof of Stake (DPoS) ont été développées pour répondre à ces défis.
C’est quoi le PoS ?
Par où on commence ?
Les différences entre le PoS et le POW
Pour mieux comprendre le PoS, il est crucial de le distinguer du Proof of Work (PoW). Contrairement au PoW, qui dépend de la puissance de calcul, le PoS s’appuie sur la quantité de cryptomonnaie qu’un individu possède et immobilise. Pour participer à la sécurisation du réseau, on dit qu’un validateur “met en jeu” ses jetons, c’est le “staking” en anglais.
Avec le PoW, les mineurs résolvent des énigmes cryptographiques complexes pour ajouter des blocs à la blockchain, une méthode énergivore dont nous avons expliqué le fonctionnement dans un précédent article (à lire pour mieux comprendre ce qu’est un mécanisme de consensus).
En revanche, avec le PoS, c’est la possession de monnaie qui détermine le droit de validation, rendant le processus beaucoup moins gourmand en énergie. Il n’est pas rare d’entendre parler de “minage virtuel” lorsque l’on évoque la preuve d’enjeu.
Historique et évolution du PoS
Origine du concept
L’idée de la preuve d’enjeu n’est pas récente puisqu’elle a été conceptualisée pour la première fois en 1998 par Wei Dai avec le projet b-money. Dans cette proposition, chaque serveur devait mettre de côté une somme spécifique de b-money pour participer aux activités du réseau, cette somme agissant comme une caution pour dissuader les comportements malhonnêtes. Toutefois, bien que cette idée ait été introduite tôt, ce n’est qu’avec l’émergence du Bitcoin et de son mécanisme de preuve de travail que la mise en œuvre réelle d’un système basé sur la preuve d’enjeu a été sérieusement considérée.
Premier cas concret
Dès les premières années de la blockchain, le PoS a été proposé comme une alternative au PoW avec la cryptomonnaie Peercoin introduisant des variations du PoS à partir de 2012. Sa version 1.0 du PoS était particulièrement innovante car elle visait à établir un mécanisme de consensus hybride, fusionnant les éléments de la Preuve de Travail (PoW) et de la Preuve d’Enjeu.
Cette combinaison unique avait pour ambition de trouver un juste équilibre entre la sécurité, l’efficacité énergétique et l’évolutivité. Central dans ce système, le concept de “frappe monétaire” de Peercoin récompensait les participants en fonction de l’ancienneté des tokens immobilisés. En plus de ses avantages intrinsèques, cette approche hybride a permis à Peercoin de mettre l’accent sur une responsabilité environnementale, réduisant ainsi son empreinte carbone.
Néanmoins, la version 1.0 a rencontré des défis, notamment en matière de sécurité et d’évolutivité, conduisant à l’émergence d’une version 2.0 et d’un modèle 100% basé sur du PoS et dont la mise en œuvre concrète a fourni les preuves tangibles de l’efficacité de ce consensus.
Fonctionnement détaillé du PoS
Il existe de nombreuses variantes du PoS mais pour faire simple, il s’agit au départ d’une adaptation de la preuve de travail comme elle existe dans le Bitcoin. Cet algorithme s’appuie sur une blockchain où les blocs sont périodiquement ajoutés par les validateurs. Dans cette méthode, le processus de minage est simulé virtuellement. Lorsqu’un nouveau bloc est nécessaire, un système de sélection aléatoire est déployé pour choisir un validateur en fonction de la quantité de jetons qu’il a immobilisés.
Sélection des validateurs et création des blocs
Dans la preuve d’enjeu, les mineurs ont laissé place aux forgeurs, ou “minters” en anglais. L’algorithme s’appuie sur le dernier bloc de la blockchain pour choisir de manière aléatoire un minter et lui accorder la permission de générer le bloc suivant. Plus un participant met en jeu, plus il a de chances d’être sélectionné pour valider un bloc.
Le validateur choisi rassemble alors toutes les transactions récentes et construit le nouveau bloc en y intégrant la référence du bloc antérieur pour assurer leur liaison. Il appose ensuite une signature numérique sur ce bloc pour prouver qu’il en est à l’origine puis diffuse ce bloc pour permettre aux autres participants du réseau de vérifier son authenticité.
Si un minter ne parvient pas à créer un bloc dans le temps imparti, un autre validateur est automatiquement choisi pour le remplacer. De la même manière qu’avec Bitcoin, le mécanisme de consensus s’appuie sur l’idée que la chaîne avec le plus grand nombre de blocs est la plus fiable.
Staking : récompenses et sanctions
Pour inciter les validateurs à sécuriser un système à travers le staking de leurs jetons, ils sont récompensés par l’émission de nouveaux jetons et par une partie des frais de transaction. Cela encourage les validateurs à agir honnêtement alors que s’ils valident de mauvaises transactions, leurs jetons en jeu peuvent être confisqués.
«Nothing at stake»
Lorsqu’on parle de preuve d’enjeu, une application directe pour déterminer la chaîne la plus longue présente un défi majeur, nommé “problème du rien à perdre” (“nothing at stake” en anglais). Dans le contexte de la blockchain, un “fork” ou embranchement survient lorsqu’il existe deux versions concurrentes de la chaîne.
Avec la preuve de travail, une fois qu’un mineur utilise de l’énergie pour valider un bloc sur une branche spécifique de ce fork, il ne peut pas la récupérer si cette branche est abandonnée. Cela crée un coût réel pour le mineur. Cependant, dans la preuve d’enjeu, les validateurs ne dépensent pas d’énergie et peuvent donc valider des blocs sur plusieurs branches du fork sans aucun coût supplémentaire, ce qui crée le “rien à perdre”.
Le «slashing»
Pour pallier au “problème du rien à perdre”, intervient le mécanisme du “slashing”. Il est là pour sanctionner toute action malhonnête des validateurs. Si un validateur enfreint les règles ou tente de jouer sur plusieurs branches du fork, une partie ou l’intégralité de sa garantie est confisquée. Ce mécanisme assure donc que les validateurs agissent en toute intégrité, même face à un fork.
Avantages du PoS
Efficacité énergétique et inflation maîtrisée
Le Proof of Stake (PoS) offre plusieurs avantages significatifs par rapport à la preuve de travail. Tout d’abord, il est nettement plus éco-responsable car il nécessite une consommation d’énergie nettement inférieure. Les frais des transactions sont d’ailleurs souvent moins élevés ; les mineurs facturent généralement plus cher la vérification des transactions sur une blockchain utilisant le PoW.
En plus des frais d’utilisation de réseau souvent moins élevés, le risque d’inflation est également minimisé pour les projets qui utilisent le PoS. Contrairement à la preuve de travail, où de grandes quantités de cryptomonnaies doivent être générées pour récompenser les mineurs, la sécurisation d’une blockchain à moindre coût offerte par le PoW autorise une inflation bien plus faible, assurant ainsi une politique monétaire plus stable.
Scalabilité accrue
L’un des avantages majeurs du PoS est sa capacité à améliorer la scalabilité des réseaux blockchain. Contrairement au Proof of Work, où la nécessité de résoudre des énigmes cryptographiques complexes peut ralentir le réseau, le PoS permet une validation des transactions plus rapide et plus fluide.
En se basant sur la possession de tokens plutôt que sur la puissance de calcul, le PoS réduit le temps nécessaire pour créer un bloc et confirmer des transactions. Cette efficacité accrue se traduit par une capacité à traiter un plus grand nombre de transactions par seconde, rendant le réseau plus adaptable à une adoption massive et à des volumes de transactions élevés.
Une certaine résistance aux attaques
Le Proof of Stake augmente considérablement le coût des tentatives d’attaques à 51% comparé à la preuve de travail. Contrôler plus de 50 % des enjeux signifie que vous pouvez pratiquement contrôler le processus de gouvernance du réseau. Avec une distribution initiale appropriée des jetons, l’accumulation de plus de la moitié des jetons par une seule personne devient ardue. En outre, toute tentative d’attaque compromettrait la valeur du système, dépréciant ainsi le jeton en possession de l’attaquant. Par conséquent, cela dissuade fortement d’orchestrer une telle manœuvre.
Critiques et limitations du PoS
«Rich Get Richer» : problème de centralisation
Une critique majeure du PoS est qu’il pourrait permettre aux riches de devenir encore plus riches. En effet, les minters possédant davantage de jetons sont susceptibles d’obtenir plus de récompenses et d’augmenter ainsi leurs revenus potentiels à l’avenir, créant ainsi une véritable boucle.
Un tel phénomène où “les riches deviennent plus riches” (également connu sous le nom d’effet Matthieu) est manifestement injuste pour les autres participants et nuit finalement à la décentralisation du réseau lorsque la majorité des enjeux sont contrôlés par quelques participants fortunés. En particulier, l’accumulation de ressources peut augmenter le risque d’annulation des transactions et de falsification des données, nuisant à la fiabilité et à l’intégrité des données.
Barrières à l’entrée pour les nouveaux utilisateurs
Il peut être difficile pour les nouveaux arrivants de devenir validateurs, car en plus de la difficulté technique à mettre leurs propres serveurs pour stacker, ils ont besoin d’immobiliser des capitaux importants afin d’être acceptés. Par exemple, sur Ethereum 2.0 qui fonctionne avec la preuve d’enjeu, il vous faudra stacker 32 ETH pour faire du staking.
Il existe des moyens pour contourner cette limitation en délégant vos tokens à une plateforme qui les mettra en commun avec ceux d’autres utilisateurs. L’avantage, outre celui de faire tomber cette barrière à l’entrée, est celui de minimiser les risques de se faire “slashed”. En revanche, vous n’êtes plus propriétaire des fonds et votre rémunération est souvent moins importante puisqu’un certain pourcentage sera alloué à la plateforme facilitatrice.
Sécurité et censure
Bien que le PoS semble aussi efficace que le PoW pour se protéger des attaques Sybil (où un utilisateur malveillant tente de manipuler le réseau avec plusieurs comptes), il présente tout de même certaines failles.
Comme évoqué précédemment, l’un des dilemmes majeurs est l’attaque du “nothing at stake” qui survient lors d’un fork de la blockchain. Dans cette situation, un validateur est tenté de travailler sur les deux chaînes pour maximiser ses gains, contrairement à la preuve de travail où la concentration des ressources sur une seule chaîne est privilégiée.
Enfin, le PoS offre une résilience moindre face à la censure à long terme par rapport à la preuve de travail. La centralisation des jetons, en particulier sur les plateformes d’échange, accentue ce problème, car un consortium d’acteurs peut imposer une censure sans nécessiter de modification majeure de la chaîne.
Le PoS : synthèse et perspectives
Le Proof of Stake a marqué une étape importante dans l’évolution des mécanismes de consensus blockchain, offrant une alternative éco-responsable au Proof of Work . Toutefois, comme tout système, le PoS n’est pas exempt de défis et de critiques. Reconnaissant ces défis, la communauté blockchain a innové et développé des variantes du PoS pour combler ses lacunes. L’une de ces évolutions notables est le Delegated Proof of Stake (DPoS).
Dans le DPoS, les détenteurs de tokens élisent un nombre limité de validateurs qui sont responsables de la création de blocs et de la validation des transactions, offrant ainsi une meilleure scalabilité et une réponse aux problèmes de centralisation. Si le DPoS suscite votre curiosité, restez à l’écoute : nous explorerons ce mécanisme passionnant en détail dans un prochain article.