Dans notre précédent article, nous avons exploré les mécanismes fondamentaux des stablecoins, ces crypto-monnaies conçues pour atténuer la volatilité du marché en s’ancrant à des valeurs stables telles que les monnaies fiduciaires. Ils ont joué un rôle crucial dans le développement de la finance décentralisée depuis 2018, en offrant une stabilité essentielle pour les investissements et transferts de valeurs. Cependant, ils ne sont pas sans critiques, notamment concernant la transparence et la gestion de leurs réserves et plus récemment le non-partage des revenus tirés du placement du cash apporté en contrepartie du mint.
Aujourd’hui, nous nous tournons vers une nouvelle génération de stablecoins qui repousse encore plus loin les limites de l’innovation financière. En plus de garantir une stabilité face aux monnaies fiduciaires, introduisent des mécanismes de distribution de rendements sous forme de “dividendes” (on aime pas trop ce mot en DeFi, disons “récompenses”) pour leurs détenteurs. Cela marque une rupture significative avec les modèles traditionnels en offrant non seulement une valeur stable mais aussi une participation aux profits générés par les actifs sous-jacents.
BlackRock secoue le monde de la finance avec son stablecoin BUILD
BlackRock, le mastodonte de la gestion d’actifs avec plus de 9 000 milliards de dollars sous gestion, a récemment secoué le petit monde de la crypto avec le lancement de son premier fonds tokenisé (sur la blockchain Ethereum), appelé “BUILD” et dont le token du même nom est un stablecoin, pour le moins innovant. À noter qu’il est mint sur Ethereum https://etherscan.io/token/0x7712c34205737192402172409a8f7ccef8aa2aec ce qui est une forme de consécration.
BUILD propose un token qui réplique le cours de l’USD tout en offrant des rendements sous forme de “récompenses” pour les détenteurs. En conformité avec le cadre défini par la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur américain, les actifs du fonds, se veulent être le plus “safe possible” et sont ainsi constitués de liquidités monétaires, de bons du Trésor américain et d’accords de rachat.
Selon BlackRock, BUILD cherche à offrir une valeur stable de 1 USD (dollar américain) par token, et verse les dividendes accumulés quotidiennement directement aux portefeuilles des investisseurs, sous forme de nouveaux tokens, chaque mois. Le fonds investit 100 % de ses actifs totaux dans des liquidités, des bons du Trésor américain et des accords de rachat, ce qui permet aux investisseurs d’obtenir un rendement tout en détenant le token sur la blockchain »
Le fonds, officiellement intitulé BlackRock USD Institutional Digital Liquidity (BUILD), a été révélé au public via un dépôt auprès de la SEC suivi d’une annonce officielle le 20 mars 2024. Il est le résultat d’une collaboration avec Securitize, un acteur clé dans la tokenisation des actifs réels (RWA). Cette initiative marque un tournant pour BlackRock, soulignant son engagement envers la digitalisation de la finance.
USUAL réinvente les stablecoins depuis la France
En rupture avec les modèles de stablecoins existants, souvent critiqués pour leur manque de transparence et de distribution équitable de la valeur, un autre projet vient se démarquer, celui de USUAL, dirigée par l’ex-député français Pierre Person. La société a récemment annoncé une levée de fonds de 7 millions de dollars en seed (capital), en préparation du lancement de son stablecoin, l’USD0.
L’USD0, présenté comme un “stablecoin hybride alternatif”, est adossé à des actifs du monde réel (RWA) tout comme BUILD mais restreint aux bonds du trésor américain. Cela permet là aussi d’offrir des rendements aux détenteurs, générés à partir de ces actifs réels. De plus, Usual a introduit un token de gouvernance, USUAL, qui donne aux détenteurs le droit de voter sur les propositions affectant l’avenir du protocole.
Avec l’approche de la réglementation MiCA de l’UE, qui impose des règles strictes aux émetteurs de stablecoins, le modèle d’USD0 pourrait offrir une alternative viable et attrayante pour les investisseurs cherchant à minimiser leur exposition à la volatilité tout en générant du revenu…
Des rendements mirobolants avec Ethena
Enfin, le projet Ethena et son “dollar synthétique” USDe ont également récemment capté l’attention dans le monde des crypto-monnaies, en introduisant une approche innovante pour un stablecoin. Contrairement aux stablecoins traditionnels comme l’USDC ou l’USDT, l’USDe n’est pas adossé directement à des devises fiduciaires, mais utilise plutôt une combinaison de crypto-actifs et des positions courtes à terme pour maintenir sa stabilité.
Ici, il n’est donc point question de RWA, le cœur de la proposition d’Ethena réside dans son utilisation des produits dérivés pour garantir que l’USDe reste stable et fonctionne de manière indépendante. La promesse est de fournir une solution de monnaie numérique capable de générer un rendement annuel significatif, annoncé récemment à 35,4 %.
Le projet utilise des positions delta neutres—essentiellement une combinaison de positions longues et courtes sur ETH—pour maintenir la stabilité de l’USDe. Ce mécanisme est supposé protéger contre les fluctuations du marché, tout en offrant des rendements attractifs à partir des opérations de staking et des taux de financement du marché des dérivés.
Toutefois, des inquiétudes demeurent quant à la durabilité de cette approche, notamment en raison des risques associés à la dépendance aux produits dérivés, qui sont eux-mêmes sujets à volatilité et à d’autres facteurs de marché imprévisibles. Des voix critiques, comme celle d’Andre Cronje, mettent en doute la capacité du système à maintenir une stabilité à long terme sans risquer une défaillance similaire à celle du réseau Terra avec son stablecoin UST…