Le règlement MiCA

Le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (« Markets in Crypto-Assets » ou « MiCA ») a été adopté par le Parlement européen le 20 avril 2022, après un accord politique intervenu entre les institutions européennes à l’issue de négociations (« trilogues »). Ce règlement s’inscrit dans le cadre plus large du « train de mesures sur la finance numérique » présenté par la Commission européenne en septembre 2020.

Avec MiCA, l’idée est de combler un vide juridique au niveau européen concernant l’encadrement des crypto-actifs, qui ne sont pas couverts par les réglementations financières existantes et de prendre de vitesse les États-Unis où l’absence de régulation crée de nombreux problèmes aux acteurs en place. Le vide juridique représentait un frein à l’adoption plus large des innovations liées à la blockchain et aux crypto-monnaies et le MiCa vise précisément à adapter le cadre réglementaire pour qu’il prenne en compte ces nouveaux instruments financiers numériques tout en assurant une meilleure protection des consommateurs et des investisseurs.

Après son adoption définitive par le Parlement Européen et le Conseil en 2023, le règlement MiCA est entré en vigueur le 29 juin 2023. Toutefois, afin de laisser le temps aux différents acteurs de s’adapter, MiCA ne sera pleinement applicable qu’à partir du 30 décembre 2024, après une période transitoire de 18 mois. Seules les règles spécifiques aux stablecoins, jugées prioritaires, entreront en application plus tôt, au 30 juin 2024.

A terme, MiCA se substituera donc aux législations nationales existantes dans certains Etats membres, comme le cadre français relatif aux PSAN (prestataires de services sur actifs numériques), instauré en 2019 par la loi PACTE.

Les objectifs du règlement MiCa

MiCA a pour ambition d’harmoniser les règles au niveau Européen. En effet, en l’absence d’un cadre réglementaire commun, seuls quelques Etats membres comme la France ou l’Allemagne s’étaient dotés de réglementations nationales spécifiques aux crypto-actifs. L’enjeu est donc d’établir des règles du jeu identiques dans toute l’UE ce qui donne un avantage notable aux entreprises qui se mettent en conformité avec le règlement MiCA : il s’agit d’une licence “passeportée” ce qui signifie qu’une fois obtenue auprès d’un état membre elle s’applique de plein droit sur l’ensemble de l’UE à l’image de DSP2.

L’idée est de ne pas brider le développement des crypto-actifs, qui recèlent un fort potentiel d’applications concrètes (paiements transfrontaliers, finance décentralisée…), mais de s’assurer que cela se fasse dans un environnement sécurisé et de créer des champions Européens du Web3, ce qui n’a pas été le cas sur le Web1 et 2. 

MiCA répond aussi à des enjeux plus larges de stabilité financière et de souveraineté monétaire et financière de l’UE. Il introduit par exemple un encadrement strict des stablecoins et des jetons adossés à des devises non-européennes, considérés comme une potentielle menace.

Ensuite, ce règlement vise à renforcer la protection des investisseurs et des consommateurs face à ce nouveau type d’actifs perçus comme risqués. Pour cela, MiCA définit des exigences strictes que devront respecter les différents acteurs du secteur des crypto-actifs. 

Enfin, le règlement comporte des dispositions visant à limiter l’impact environnemental du minage de crypto-actifs comme le Bitcoin, jugé très énergivore. Les acteurs du secteur devront publier des données sur leur empreinte carbone. Des normes de durabilité pourraient aussi être introduites à l’avenir concernant les mécanismes de consensus utilisés.

Le champ d’application de MiCA

Plus précisément, MiCA réglementera 3 grands domaines :

  • L’émission et l’offre au public de crypto-actifs (jetons) dans l’UE, via un régime harmonisé d’obligations et de droits s’appliquant aux initiateurs de projets blockchain,
  • La fourniture de services sur actifs numériques par différents prestataires : plateformes d’échange, dépositaires, conseillers en investissements crypto… Ces acteurs devront obtenir un agrément harmonisé au niveau européen et respecter des exigences strictes avant de proposer leurs services,
  • La prévention des abus de marché sur les crypto-actifs, à travers des règles visant à garantir l’intégrité des transactions et à lutter contre les manipulations de cours ou délits d’initiés. Un régime de sanctions est également prévu.

Le règlement introduit la nouvelle catégorie de “Prestataires de Services sur Crypto-Actifs” (PSCA) qui devront obtenir un agrément délivré par les autorités nationales pour opérer dans l’UE (on parle aussi dans certains pays de VASP pour Virtual Asset Service Provider et de CASP pour Crypto Asset Service Provider).

Une fois agréés, ces PSCA bénéficieront donc  d’un “passeport” européen leur permettant d’offrir leurs services dans tous les autres pays de l’UE. Cette dimension transfrontalière est une avancée majeure par rapport aux législations nationales actuelles.

Certains actifs ne sont toutefois pas traités dans le cadre de MiCA. C’est le cas des jetons non fongibles (NFT), dont le marché émergent fera l’objet d’une évaluation par la Commission européenne d’ici 18 mois. La finance décentralisée (DeFi) est également exclue du champ d’application, mais devrait être analysée prochainement par les autorités européennes.

Une transition en douceur

L’entrée en application du règlement MiCA le 30 décembre 2024 nécessitera une période de transition pour les acteurs déjà présents sur le marché des crypto-actifs dans l’Union européenne. Plusieurs mesures devraient être mises en œuvre pour faciliter la transition : rapprochement des exigences en matière de fonds propres, des documents exigés pour l’agrément, clarification du périmètre d’application des règles de conformité, etc.

En France, la loi DDADUE adoptée en mars 2023 a clarifié certains aspects liés à cette phase transitoire. Elle prévoit notamment un délai supplémentaire de 18 mois accordé aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) déjà enregistrés auprès de l’AMF ou bénéficiant d’un agrément optionnel. Pendant ce laps de temps, ils pourront continuer à fournir leurs services, mais uniquement auprès de la clientèle française.

Passé ce délai, à compter du 1er juillet 2026, les PSAN français devront obligatoirement avoir obtenu un agrément en tant que Prestataires de Services sur Crypto-Actifs (PSCA) sous MiCA s’ils souhaitent continuer à opérer. Cet agrément leur permettra alors d’étendre leurs activités à l’ensemble du territoire de l’UE grâce au mécanisme du passeport européen.

Par ailleurs, le gouvernement français est habilité à prendre des ordonnances, d’ici début 2024, pour adapter le droit national et le rendre pleinement conforme au règlement MiCA qui s’imposera.

La loi DDADUE habilite également le gouvernement à prendre des ordonnances au cours de l’année 2023 pour adapter le droit français et le rendre pleinement conforme au règlement européen. Dans ce cadre, l’AMF prévoit d’aligner au maximum son règlement général et sa doctrine appliqués aux PSAN sur les nouvelles règles de MiCA.

Du côté des autorités de régulation, l’AMF et l’ACPR ont engagé des travaux et des concertations avec les acteurs de la crypto pour préparer la transition. Cela implique d’aligner le cadre national sur les nouvelles règles européennes (exigences de capital, gouvernance des PSCA…) et d’apporter des clarifications à la profession sur le périmètre exact des nouvelles obligations.

L’objectif est de permettre une mise en conformité progressive des acteurs français, sans rupture de service pour les consommateurs.

Ce qu’il reste à accomplir avant l’application de MiCA

Maintenant que le cadre juridique européen MiCA est définitivement adopté par les institutions de l’UE, plusieurs étapes restent à franchir avant son entrée en application effective en décembre 2024.

Tout d’abord, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) et l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) devront publier les derniers textes d’application qui viendront préciser certains points du règlement MiCA. Notamment les aspects techniques comme le format des documents à transmettre par les PSCA dans leurs demandes d’agrément.

Ces normes techniques seront d’abord soumises à consultation publique auprès des parties prenantes. Après prise en compte des retours, les versions finales seront publiées au Journal Officiel de l’UE courant 2024. 

En parallèle, les autorités nationales comme l’AMF et l’ACPR travaillent déjà à adapter le cadre réglementaire français pour le mettre en conformité avec MiCA. Elles échangent régulièrement avec les acteurs du secteur pour répondre à leurs questions et prendre en compte leurs problématiques dans ces travaux.

Une fois le cadre français clarifié et les textes d’application de MiCA définitivement publiés, les prestataires pourront commencer à préparer leurs dossiers de demande d’enregistrement et d’agrément auprès de l’AMF au cours du second semestre 2024.

La coordination entre régulateurs européens et nationaux sera essentielle tout au long de ce processus pour garantir une mise en œuvre harmonisée des nouvelles règles au sein de l’UE.

L’objectif est de rendre la transition de plus fluide possible pour les plateformes d’échange, dépositaires et autres prestataires de services sur actifs numériques actuels. Pour cela, les régulateurs comptent s’appuyer un maximum sur les dispositifs nationaux existants qui font leurs preuves…